top of page

Du casino aux étriers


Je m’appelle Jessica, j’ai 33 ans je vis dans le Var depuis toujours, pas trop loin de l’Italie parce que - je suis ritale et je le reste et dans le verbe et dans le geste -

Je suis assureur, (et oui nous sommes aussi des êtres humains avec un petit cœur sensible, promis) je me nourris essentiellement de musique, de concerts et de curly donuts.

Je vis avec Romain dit Romiche depuis 5 ans et des brouettes, passionné de foot, qui travaille avec des adolescents dans un centre périscolaire.

On s’est rencontré sur un célèbre site de rencontre impliquant un caddie, un dimanche matin d’août pendant une fin de grasse mat comme on les aime (enfin aimait) tout les deux.

Notre amour pour la musique et les jeux vidéos nous ont réuni et nos caractères de cochons font qu’on ne s’ennuie jamais trop par ici !

C’est le 16 avril 2019, jour de son anniversaire, qu’il a appris qu’il serait père avant la fin de l’année et depuis le 1er décembre 2019, nous sommes 3, papa maman et notre fille Jude, enfin 4 pour être exact car nous vivons chez notre hôte, Pablo mon chat qui nous héberge dans son appartement sur la côte contre quelques croquettes et une litière propre - trop sympa -




Samedi 30 novembre, 1h30 : C'est en allant chercher de quoi grignoter que je ressens un « pop » dans mon bas ventre. J'ai atteint les 37SA depuis seulement quelques minutes et je sens que je perds un peu de liquide. Je panique mais papa tente de me rassurer. Quelques minutes après, l'écoulement s'arrête. Je pars donc me coucher dans l'espoir de dormir un peu. Beaucoup d'espoir. Je n'arrive pas à dormir. Je suis stressée. Je perds du liquide tout au long de la nuit. Alors, j'essaie de me rassurer. Je ne suis qu'à 37SA. Mon terme est le 30 décembre. Et puis, il y a trop peu de perte pour que ce soit la poche des eaux. Mais si c'était une fissure ? Je viens à peine de passer les 37 SA, seuil de prématurité. Je ne veux pas que ma fille parte en couveuse, nourrie avec un tuyau. Mon cerveau tourne à 1000 à l'heure. Je pense au pire. Et si une infection se développait ? J'aurai du me reposer. Je n'ai jamais pris le temps. Puis ces quelques cigarettes que j'ai fumées. Je pense à tout et n'importe quoi. Tout devient source de d'angoisses et de culpabilité. Et puis surtout, je ne suis pas prête !!! Dimanche, 9h30 : Après avoir longuement hésités à faire un tour à la maternité, par crainte de les déranger, nous nous décidons à y aller. Sait-on jamais. Romain, celui qui m'a mis dans cet état, le futur papa, l'angoissé, celui qui veut paraître costaud mais qui s'effrite au fil des minutes, m'accompagne. Je ne suis pas mieux. Je suis tendue comme jamais. Francis Cabrel s'invite dans l'habitacle de la voiture - Je t'aimais, je t'aime et je t'aimerai - Les larmes se mettent à couler, couler, couler. Je n'arrive plus à m'arrêter. J'ai si peur. C'est dans les larmes qu'une sage-femme m'ausculte. Je m'excuse et lui explique que c'est la faute de Francis. Elle a l'air peu convaincu. Verdict : col long, ramolli mais pas ouvert. Et surtout, le test révèle qu’il ne s’agit que de simples pertes. " Ce n'est pas pour tout de suite ! " m'annonce la sage femme. Je quitte donc la maternité, rassurée et en pleine forme. Ce qui tombe bien. J'ai rendez-vous chez le coiffeur dans l’après-midi. Mon premier coiffeur depuis 1 an et demi. Je l’attends comme le Messie. J'en ressors avec un brushing digne de Sue Ellen. Pour clôturer cette journée, nous partons au Casino avec quelques proches.


Dimanche 1er décembre, 1h: Nous rentrons. C'est la tempête. Il pleut des cordes. Tout ce que j'aime. Au retour de notre soirée d'insouciance, sans que je ne le réalise vraiment, les choses s'accélèrent. je commence à me mettre dans ma bulle. J'ai toujours quelques pertes. Je parle moins. Je n'écoute qu'à moitié. Mon mari part se coucher. Je reste moi, sur le canapé, la télé en fond. Je sais qu'il m'attend mais je n'ai pas envie. J'ai juste envie de profiter de ce moment de tranquillité. 2h : Je commence à avoir mal au ventre. Je prends un spasfon, pour la première fois en 8 mois. Il faut bien que le corps comment à se préparer à J-30. Je n'envisage pas que ce soit le début du vrai travail. Dans mon entourage, les femmes douillent les 3 jours précédents leur accouchement. Et puis ce matin le contrôle était rassurant. Pas de fissure de la poche des eaux, col fermé. NO WAY ! LA PONTE, C'EST PAS MAINTENANT ! 3h: Je rejoins mon mari au lit. Je n'arrive pas à m'endormir. Je ressens des vagues qui m’envahissent petit à petit. Je ferme les yeux entre deux. Je suis dans un état second. Je m’appuie sur la respiration de mon conjoint pour me détendre. 4h ... 5h ... 5h30 ... 6h... 6h30 ... l’impression que les heures sont des minutes ... La douleur s’amplifie. Je ne tiens plus en place. Je pars aux toilettes. Je vois un peu de sang mêlé à des pertes claires. Je suis inquiète. J'ai envie de pleurer. Mais rien ne sort. Je suis dans un état second. Je ne maîtrise plus rien. Même pas mes pensées. Je suis fatiguée. Je me dis que je vais me recoucher quelques minutes avant de ... avant de quoi ? Je ne sais pas, mais c’est réellement ce que je me demande... Je m'allonge. 30 minutes. Je ne tiens plus. Je me mets à sangloter. Je commence à comprendre. Ce sont de vraies contractions. Je ne veux pas, c’est trop tôt ! Je prends mon téléphone et commence à les noter. Toutes les 8 minutes. Puis 6. Puis 5. 7h30: Monsieur se réveille. Je suis toujours dans cet état second. Mon mari ne comprend pas pourquoi je ne l'ai pas réveillé. Il m’aide à me lever, à prendre une douche chaude pour me détendre. Rien n’y fait. J'ai mal. Je contracte de plus en plus. Je n'arrive plus à me tenir droite. Je pousse des cris de douleurs atroces. Entre deux contractions, j’essaie de rassembler quelques affaires supplémentaires. Je mets l'appartement sans dessus dessous. je retrouverai plus tard des spaghettis pas cuits dans un pot de fleur dans le salon Pendant ce temps je perds du sang. De plus en plus. Monsieur me presse. Il s'agite. Me suit dans mes moindres mouvements. Une sorte de danse folle. Il est concentré. Fait ce qu'il a à faire pour qu'on soit prêt. Je veux prévenir ma mère. Il me passe le téléphone. Je suis sur les toilettes, complètement paniquée et tremblante, à la vue de tout ce sang que je perds. Il tente de boucler nos valises. Il fait des allers retours. Il est agacé qu'on soit à l'arrache, je le connais. Il tente de me faire sourire et me brosse dans le sens du poil. Il fait de son mieux pour m'arracher de cette maison. Mais moi, je suis monstrueuse. Je suis en boucle : " Pas maintenant ... c’est pas possible !!! " Et pourtant ! 8h50: Nous arrivons à la maternité. Devant la porte du bloc, une sage femme nous accueille et nous demande d'attendre. Une femme est déjà en plein travail. Je m'effondre sur le sol. Quelques longues minutes plus tard, les portes s’ouvrent. Une nouvelle sage-femme m’aide à m'installer sur un fauteuil, et m'amène rapidement pour un examen du col. " Nous allons en salle de travail ! " m'annonce -t-elle. Dans le couloir qui nous mène à la salle, je l'entends : « elle est complètement dilatée » J'ai mal. J'ai peur. J'arrive à demander si je peux avoir une péridurale. La sage-femme me répond fébrilement : " On va voir mais … " Je commence à comprendre. On m’installe. L’anesthésiste arrive. Je peine à demander de nouveau la pose d'une péridurale. La réponse de l'anesthésiste est claire: " Non ! Votre fille sera là dans moins de 30 minutes madame ! On va vous anesthésier localement et on va y aller ! " Je pleure. Je ne sais plus quoi faire. Je pousse par réflexe. 9h15: L’anesthésiste fait quelques piqûres. La sage femme s’installe et me dit : " Allez y poussez " Je me sens comme propulsée dans le temps. Je passe d’une soirée au casino aux pieds sur des étriers. Je pousse. Je donne tout. Je sens tout. La douleur est indescriptible. Elle me transperce. Les contractions m'emportent 6 pieds sous terre. Je n'ai que quelques secondes de répit entre chaque. C'est trop peu. J'ai l'impression que mon corps est écartelé. Je ressens une pression énorme au niveau de mon vagin. Les premières poussées sont inefficaces. Pourtant je suis là. Je suis concentrée. Je tente de suivre avec beaucoup d'attention les instructions de la sage-femme. " Vous poussez mal Madame." Je lâche tout. Je ne calcule plus rien. J'entends plus rien. Je sens. Je ressens. Ca avance. J'ai mal. Mais je m'en fous. Elle est là. Si proche. Ma petite fille. Je donne tout. Il faut que tout ça s'arrête. Maintenant. Je regarde mon homme. On réalise que plus rien ne sera jamais pareil. Je prends des forces dans son regard et dans ses mots que j’entends à peine. Je pousse, à bout de forces. Il est 9h28, je pousse une dernière fois et je donne naissance à ma fille. On la pose sur moi. La sensation est unique, magique, indescriptible !!! Elle pleure. Mon mari pleure. Je crois que je pleure aussi. Je ne sais plus trop. Nous sommes dimanche 1er décembre 9h28, Jude est née. Je n’aurais : jamais imaginé vivre un accouchement sans péridurale. Jamais imaginé accoucher avec 29 jours d’avance. Jamais imaginé pouvoir gérer des contractions dans le silence, sans broyer le bras de mon homme. Jamais imaginé accoucher en 13 minutes. Jamais imaginé accoucher avec un brushing impeccable. Jamais tout ceci ne m’avait traversé l’esprit. Et c’est mieux ainsi.

48 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comentarios


bottom of page